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Démosthène

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27 juillet 2008

PEUT-ON FAIRE ANNULER SON MARIAGE POUR CAUSE DE VIRGINITE DE SON CONJOINT ?

Article 180, alinéa 2, du Code civil : « S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Lille le 1er avril 2008, qui a prononcé l’annulation d’un mariage pour cause de non-virginité de la jeune femme, a provoqué une vague d’inquiétude bien légitime au sein de la communauté des obsédé(e)s sexuel(le)s qui n’ont pas pour autant renoncé à l’idée de se marier.

Dans l’affaire de Lille, le mari découvre pendant la nuit de noce que son épouse n’est pas vierge. Il engage alors une action pour faire prononcer l’annulation du mariage. Cette procédure, si elle aboutit, a pour conséquence que le mariage est considéré comme n’avoir jamais eu lieu. Le fondement juridique invoqué par le mari est l’article 180, alinéa 2, du Code civil. Il y aurait eu erreur sur les qualités essentielles de l’épouse. La jurisprudence a déjà eu l’occasion de reconnaître l’erreur lorsqu’une personne découvre que son conjoint est un condamné de droit commun, une prostituée ou un étranger. La virginité est-elle une qualité essentielle ? La qualité doit être objective et déterminante. Par exemple, le fait que son conjoint soit un fieffé connard ou une véritable poufiasse ne pourrait sans doute pas être considéré comme objectif bien qu’il s’agisse d’une qualité déterminante pour consentir à un mariage et d’une bonne raison pour divorcer. Dans l’affaire qui nous occupe – et qui nous préoccupe – les époux étaient semblent-il d’accord sur le fait que la virginité de l’épouse était un élément déterminant du consentement du mari et qu’elle le savait. Le Tribunal prononce l’annulation. Rien à voir donc avec un acquiescement de la Justice à de rétrogrades règles religieuses, promis !

Bref, une question oppressante pour la communauté suscitée : dois-je être vierge pour que mon mariage soit valable ?

La réponse se veut rassurante : non. Il suffit que les futurs époux s’accordent sur le fait que la virginité n’est pas une qualité essentielle et qu’elle n’influe en rien sur le consentement au mariage. Nul besoin de mettre tout cela par écrit ni même de provoquer une discussion sur le sujet. Il suffira par exemple à la future épouse de présenter ses ex à son futur mari en prenant soin de distiller de subtils sous-entendus relatifs à ses rapports sexuels avec ces derniers. Il suffira au futur époux de faire des réflexions désobligeantes à sa fiancée sur la prétendue frigidité de celle-ci en comparaison de ses (nombreuses) autres conquêtes.

La décision du Tribunal de grande instance de Lille peut conduire à se poser l’intéressante question suivante : puis-je faire annuler mon mariage pour cause de virginité de mon époux ?

En effet, pour des raisons qui m’échappent mais qui sont sans doute liées à de sordides questions de performances sexuelles et de solidité de la relation (parce que, bon, on ne se marie pas avec le premier venu), il n’est pas impossible de considérer la non-virginité comme une qualité essentielle de la personne. Mieux encore, la non-virginité n’est pas moins objective que la virginité et peut s’avérer tout aussi déterminante du consentement. Et le mensonge sur sa prétendue qualité de Casanova ou de Casanovette est tout à fait condamnable.

Oui mais, diront les esprits logiques, des futurs époux pour qui la non-virginité est une qualité essentielle ont fatalement eu des relations sexuelles avant le mariage. Dès lors, au moment du mariage, les époux ne seront plus vierges. En premier lieu, la qualité essentielle pourrait être reformulée ainsi : ce serait l’existence, pour la personne considérée, de partenaires sexuelles différents du futur époux avant le mariage. En second lieu, un effort d’imagination permet de surmonter l’obstacle. Disons que la personne vierge est toujours parvenue, par un incroyable concours de circonstances, à éviter d’avoir des relations sexuelles avec son futur époux tout en faisant état d’expériences antérieures. Ou qu’il y a eu une impossibilité matérielle d’avoir de telles relations.

Quoiqu’il en soit, il serait bien difficile de convaincre un juge du caractère essentielle d’une qualité telle que la non-virginité. A moins peut-être qu’une règle religieuse n’interdise la virginité des époux au moment du mariage…

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